L'apartheid contre le peuple palestinien

Publié le par Tribunal Russell France

bondiaRapport présenté au jury du tribunal Russell, session de Barcelone (1er mars 2010)
Par M. David Bondia, professeur en droit international public et relations internationales à l’Université de Barcelone.

 

[Synthèse]

j0431588

 

version complète (EN)

 

Le but de ce document est de déterminer l’existence – ou non – du crime d’apartheid contre le peuple palestinien en Israël ainsi que dans les Territoires Palestiniens Occupés. 

  1. Q’est-ce que l’Apartheid ?

 a)      Définition

- L’article 7 du Statut de la Cour Pénale Internationale définit l’apartheid comme « des actes inhumains commis dans le cadre d'un régime institutionnalisé d'oppression systématique et de domination d'un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux et dans l'intention de maintenir ce régime. »

- « Apartheid » est un terme afrikaans signifiant « vivre à part ». C’est un système qui établit, à travers des lois, des mesures et des pratiques politiques la suprématie d’un groupe d’êtres humains sur un autre selon des critères raciaux.

- Les éléments qui constituent le Crime d’Apartheid sont[1] :  - la « politique des Bantoustans » par laquelle ont été créés des territoires réservés à des groupes raciaux spécifiques ; - des réglementations régissant la circulation des Africains noirs et Asiatiques (Indiens) dans les zones urbaines ; - une politique démographique visant à réduire la population noire tout en favorisant l’immigration des Blancs ; - l’emprisonnement et le mauvais traitement des leaders politiques non-blancs et des prisonniers non-blancs en général. Toutes ces violations sont commises à grande échelle, et elles constituent une pratique discriminatoire systématique des droits de l’homme les plus fondamentaux.

b) Le Crime d’Apartheid a été défini dans différents traités et classifié comme un crime contre l’humanité, aujourd’hui encore condamné par la législation internationale parce qu’il représente l’une des pires formes de discrimination raciale.

c) La Convention internationale sur l'élimination et la répression du crime d'apartheid entrée en vigueur le 18 juillet 1976, définit l’apartheid dans son article II comme « des actes inhumains commis dans le but d’établir et de maintenir la domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial avec oppression systématique. »

d) Les auteurs stipulent que les personnes responsables de ce crime en Israël et dans les Territoires Palestiniens Occupés peuvent être sanctionnées bien qu’Israël n’a pas ratifié la Convention contre l’Apartheid.

- Parce que l’élimination et la répression de ces crimes contre l’humanité constituent une règle impérative générée par le droit coutumier international qui engage chaque Etat qu’il ait ratifié les traités internationaux ou non.

- En ce qui concerne la responsabilité des individus, les Principes de Nuremberg stipulent que : « Le fait que le droit interne ne punit pas un acte qui constitue un crime de droit international ne dégage pas la responsabilité en droit international de celui qui l'a commis. » (Principe II)[2].

- L’Apartheid, un crime contre l’humanité, est sujet à deux principes le distinguant des crimes ordinaires : le Principe de juridictions universelles[3] ou extraterritoriales et le Principe de non applicabilité de Limitations Statuaires. 

  1. Dans la seconde partie du document, les auteurs expliquent en quoi la législation internationale est applicable en Israël et dans les Territoires Palestiniens Occupés.
  2. Puis les auteurs se concentrent sur les violations constantes des droits de l’homme identifiés par les Comités des Traités et les Rapporteurs Spéciaux de Nations Unies qui révèlent l’existence d’un régime d’apartheid quand ils sont analysés dans leur ensemble.
  3. Enfin ils démontrent comment le système législatif applicable en Israël et dans les Territoires Palestiniens Occupés établit des critères de ségrégation et de division de la population en fonction de paramètres raciaux ou limitent l’application de certains droits de l’homme.
  4. Conclusion : les auteurs affirment que la discrimination à laquelle Israël soumet le peuple palestinien constitue un crime d’apartheid.

  L’article II de la Convention sur l’apartheid établit ce qui suit : 

« Aux fins de la présente Convention, l'expression « crime d'apartheid », qui englobe les politiques et pratiques semblables de ségrégation et de discrimination raciales, telles qu'elles sont pratiquées en Afrique australe, désigne les actes inhumains indiqués ci-après, commis en vue d’instituer et de maintenir la domination d'un groupe racial d’êtres humains sur n'importe quel autre groupe racial d’êtres humains et de systématiquement les opprimer ;

a) Refuser à un membre ou à des membres d'un groupe racial ou de plusieurs groupes raciaux le droit à la vie et à la liberté de la personne :

 

i)        En ôtant la vie des membres d'un groupe racial ou de plusieurs groupes raciaux ;

Par des « meurtres sélectifs » - qui en fait constituent des exécutions extrajudiciaires – l’armée israélienne élimine des militants palestiniens dans le but d’étouffer toute tentative de soulèvement. 

 

ii) En portant gravement atteinte à l'intégrité physique ou mentale, à la liberté ou à la dignité des membres d'un groupe racial ou de plusieurs groupes raciaux, ou en les soumettant à la torture ou à des peines ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants. »

Les restrictions imposées sur la liberté de circulation, la destruction d’habitations et d’infrastructures infligent un dommage physique et moral au peuple vivant dans lesTerritoires Palestiniens Occupés de diverses et nombreuses manières.

Les mauvais traitements et méthodes d’interrogations équivalents à de la torture auxquels sont soumis les Palestiniens, adultes et enfants, lorsqu’ils sont arrêtés et détenus.

 

            iii) En arrêtant de façon arbitraire et en détenant illégalement les membres d'un groupe racial ou de plusieurs groupes raciaux ;

La pratique de « détentions administratives » sans inculpations ni procès, qui peuvent être prolongées pendant de longues périodes et qui touchent non seulement les adultes mais aussi les moins de 18 ans.

 

b) Imposer de façon délibérée à un groupe racial ou à plusieurs groupes raciaux des conditions de vie destinées à entraîner leur destruction physique totale ou partielle ;

La fermeture des frontières de Gaza et les restrictions qui s’en sont suivies sur la circulation de personnes et de nourriture, de même que les dégâts apportés à l’infrastructure de la production alimentaire, condamnent dans les faits la population à la faim et à la malnutrition.

 

c) Toutes mesures législatives ou toutes autres mesures mises en place pour empêcher un groupe racial ou plusieurs groupes raciaux de participer dans la vie politique, sociale, économique et culturelle du pays, et la création délibérée de conditions faisant obstacle au plein développement du groupe ou des groupes considérés, en particulier en privant les membres d’un groupe racial ou de plusieurs groupes raciaux des droits et des libertés fondamentaux de l’homme, y compris le droit de travailler, le droit de former des  syndicats reconnus, le droit à l’éducation, le droit de quitter son pays et d’y revenir, le droit à une nationalité, le droit de circuler librement et de choisir sa résidence, le droit à la liberté d’opinion et d’expression, et le droit à la liberté de réunion et d'association pacifiques ;

L’ensemble du système juridique isrélien établi un monumental fossé entre les Juifs et les Arabes palestiniens puisque toute la législation favorise les Juifs et maintient les Arabes palestiniens dans un état d’infériorité, à travers un certain nombre de lois israéliennes empêchant le retour des refugiés palestiniens, la récupération de leur terre et qui leur interdit de profiter de leur nationalité.

 

d) Prendre des mesures, y compris des mesures législatives, visant à diviser la population selon des critères raciaux en créant des réserves et des ghettos séparés pour les membres d'un groupe racial ou de plusieurs groupes raciaux, en interdisant les mariages entre personnes appartenant à des groupes raciaux différents, et en expropriant les biens-fonds appartenant à un groupe racial ou à plusieurs groupes raciaux ou à des membres de ces groupes ;

Les populations juives et palestiniennes sont clairement séparées, différents espaces physiques leur sont alloués, avec des niveaux variés dans la qualité des infrastructures, des services et dans l’accès aux ressources.

 

e) Exploiter le travail des membres d'un groupe racial ou de plusieurs groupes raciaux, en particulier en les soumettant au travail forcé ;

Bien qu’Israël n’ait pas de système exploitation du travail de la population palestinienne, sa politique a restructuré la main d’oeuvre palestinienne à travers la suppression de l’industrie palestinienne, l’introduction de restrictions sur les exportations ainsi que d’autres mesures ayant augmenté la dépendance des Territoires Palestiniens Occupés par rapport à Israël, et – aujourd’hui plus que jamais – par rapport à l’aide internationale. Depuis la victoire en janvier 1996 du Hamas dans les élections de la bande de Gaza, aucun travailleur provenant de cette région n’a eu quelque accès que se soit à Israël[4].


f) Persécuter des organisations ou des personnes, en les privant de libertés et droits fondamentaux, parce qu'elles s'opposent à l'apartheid ;

Israël persécute et impose des restrictions sur les personnes qui opposent ce régime basé sur la ségrégation, qui condemnent les violations des droits de l’homme perpétrées par le gouvernment ou qui critiquent les actions de l’armée israélienne. Israël réprime également toutes manifestations contre le Mur dans les Territoires Palestiniens Occupés ou contre l’administration discriminatoire des terres, de l’eau et des infrastructures.

 

Au vu de toutes les violations souffertes par le peuple palestinien au jour le jour, nous pouvons clairement faire le cas du crime d’apartheid dont les Palestiniens sont les victimes.

 

Cette situation dure depuis 60 ans parce qu’Israël bénéficie de la complicité (active ou passive) de la Communauté Internationale. Dans ce sens, le silence institutionel de l’Union Européenne et de ses Etats membres est remarquable, non seulement du point de vue des sérieuses violations des lois régissant l’aide humanitaire internationale et les droits de l’homme, mais aussi en ce qui concerne l’hypocrisie qui empêche l’Union Européenne et ses états membres de dénoncer ce crime d’apartheid et les pousse à accepter le perpétuation d’une politique qui nie le respect du principe de dignité humaine au peuple palestinien.    

 


[1] Commission des Droits de l’Homme, Etude sur la Question de l’Apartheid du Point de Vue du Droit Pénal International, E/CN.4/1075, 15 février 1972, pp. 51 – 52.

[2] Principes de Loi Internationale reconnus par la Charte du Tribunal de Nuremberg et par le Jugement du Tribunal. Projet de Code des Crimes Contre la Paix et la Sécurité de l'Humanité – Annuaire de la Commission du Droit International, UN, A/CN.4/368, 13 avril 1983

[3] Convention Internationale sur l’Elimination et la Répression du Crime d’Apartheid

[4] Voir : Conseil sur la Recherche en Sciences Humaines, Occupation, Colonialisme, Apartheid ?, mai 2009, Cap Town, Afrique du Sud, p.268

Publié dans DROIT INTERNATIONAL

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